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Marque employeur : se démarquer ou se taire

Interview de Thierry Delorme, directeur général adjoint d’ORC Communication et blogger sur la marque employeur.

 

La communication marque employeur est-elle un investissement d’avenir pour les entreprises ?

Les budgets alloués aux campagnes de marque employeur restent très mesurés, comparés au nombre d’articles écrits sur le sujet. Une certaine frilosité est encore de mise. Le calcul du ROI d’une campagne de marque employeur s’avère en effet complexe, quasi impossible. C’est la conviction investie dans la démarche marque employeur qui fait toute la différence, car c’est sur la durée que s’observe la cote d’une entreprise et le matching avec les bons talents. Le nombre de CV reçus ne dit rien de la qualité des recrutements qui en ont découlé et de la juste adéquation souhaitée.

Ratisser large ou sortir des sentiers battus : quelle est la marque employeur gagnante ?

Une marque employeur passe-partout, qui cherche à plaire à tout le monde, c’est la garantie de ne séduire, au final… personne. Une compilation de valeurs consensuelles ne fait pas recette. Responsabilité sociétale de l’entreprise, esprit collectif, diversité… Chaque axe peut faire sens et se défendre, mais pas en mode compilation du jour. Qui plus est, dans un monde de plus en plus poreux où tout se sait, chercher à lisser son image est vain. Pour attirer les profils dont vous avez vraiment besoin, il faut assumer son identité. La prise de risque est payante en la matière.

Comment faire passer le bon message aux bonnes personnes ?

Affirmer sa patte est segmentant et c’est le moyen le plus sûr d’entrer en relation avec des profils prêts à s’embarquer. Trois exemples de bonne marque employeur affirmée le montrent.

  • L’école 42 : une stratégie de recrutement digital et une intégration qui rompent les codes

L’école 42, au cursus gratuit créé par Xavier Niel, arrive en tête du palmarès CodinGame plateforme collaborative d’apprentissage de code informatique par le jeu. Pour être retenus, les futurs développeurs sont mis à l’épreuve. C’est un mois d’épreuves intensives et épuisantes, soirs et week-ends compris, appelé « la piscine » qui attend les prétendants. Dormir sur place est même possible pour relever les défis techniques et rendre un projet chaque soir avant minuit. Le message : plongez sans savoir nager, aucun brevet de natation n’est demandé, mais il n’y aura pas de place pour tout le monde.

 
  • Le cabinet de conseil Davidson : co-construire oui, mais sans consensus obligé

Pour se démarquer, le cabinet de conseil Davidson mise sur un mode d’emploi pas comme les autres, le Da Vidson Code. A la manœuvre derrière ce guide de bonne conduite, les collaborateurs eux-mêmes. Et au programme de cet ouvrage co-construit de plus d’une centaine de pages, c’est l’affirmation d’un management basé sur l’humain. Mais pour le démontrer, pas de bla-bla ni de grands principes creux. À la place, un zoom sur toutes ces situations de management au quotidien qu’il est possible d’aborder autrement : le sourire est de mise, l’encouragement à la mobilité interne n’est pas qu’un discours, des brainstormings non consensuels créent le débat, l’extranet communautaire fourmille et la fonction formation est en mode « open bar ». 129 pages, c’est long à lire, mais pour les candidats qui s’y retrouvent, c’est l’assurance de rejoindre une entreprise qui avance franc-jeu.

  • Groupe BNP Paribas : pas de tabous sur les humeurs des collaborateurs

La notation de l’entreprise, notamment sur le site Glassdoor, fait trembler les cellules de recrutement comme les consultants en recrutement. Une série de mauvais commentaires, ce sont autant de candidats qui s’en vont potentiellement chercher ailleurs leur job en or. BNP Paribas a pour sa part choisi de ne pas jeter le voile sur cette expression libre et spontanée de ses collaborateurs. C’est directement dans l’espace Carrières de la banque, que s’affiche, le score : 73 % des collaborateurs recommanderaient l’entreprise à un ami. La mise à jour se fait quasiment en temps réel, au grand maximum quelques jours après les variations constatées. 73 %, ce n’est pas 100 %, mais pourquoi s’en cacher ? Avancer sans phare, c’est afficher une promesse réaliste sur sa marque employeur et non rêvée.

 

Au final, pas de formule magique ?

Aucune réplication possible d’une entreprise à l’autre, c’est la seule règle qui vaille en termes de marque employeur. Un message franc et direct adressé par une entreprise à la communauté de professionnels a le mérite d’interpeller des profils très particuliers. Mais pour réussir cette communication multicanale sur sa marque employeur, les facteurs clés de succès sont : de savoir qui l’on est, poser les bons mots et le clamer haut et fort sans faux semblant.

 

 
Thierry Delorme

Merci àThierry Delorme

Thierry Delorme a débuté son parcours en communication institutionnelle, au sein d’un grand annonceur public.  Il passe ensuite de l’autre côté en intégrant le monde des agences (DDB puis Havas) : relations publiques, marketing et corporate. C’est en 1998 qu’il intègre l’agence ORC pour accompagner ses clients dans le conseil, la création et le déploiement de communications employeur. Il tient par ailleurs un blog sur la thématique communication et RH depuis 2012.